Lorsque le salarié utilise régulièrement un véhicule dans le cadre de ses fonctions, la perte de son permis de conduire peut (dans certains cas) constituer un motif de licenciement. Si le principe est bien établi, le licenciement ne peut pas intervenir à n’importe quelles conditions.
La perte du permis durant l’exécution du contrat de travail
Cette situation correspond au salarié qui a perdu son permis de conduire en commettant une infraction au Code de la route, tandis qu’il était en train d’exécuter sa prestation de travail.
Dans un tel cas, la réponse disciplinaire de l’employeur doit naturellement être proportionnée au comportement fautif du salarié.
En effet, la suspension ou le retrait du permis, même liés à une infraction commise pendant l’exécution du contrat de travail, ne constituent pas en soi un motif de licenciement.
Cette solution est logique : il n’est pas possible de traiter de la même manière un salarié ayant perdu son dernier point à la suite d’un petit excès de vitesse et un salarié ayant causé un accident à la suite d’une grave imprudence.
L’employeur doit donc, dans tous les cas, caractériser une faute du salarié, afin que son licenciement disciplinaire soit justifié.
Ainsi, repose sur une faute grave le licenciement du chauffeur-livreur en état d’ébriété, responsable d’un accident de la circulation l’ayant privé de son droit de conduire pour une durée de 15 mois (Cass. soc., 15 novembre 1994 n° 93-41897).
En cas de faute liée à la conduite d’un véhicule, la jurisprudence ne subordonne évidemment pas le bien-fondé du licenciement du salarié à la perte de son permis. À titre d’exemple, est justifié le licenciement pour faute grave du chauffeur de car ayant occasionné un accident dans une agglomération en raison d’une vitesse excessive (CA Paris, 6 juin 2003, n° 02-30310).
À l’inverse, si le salarié a commis une infraction mineure au Code de la route ayant conduit à l’invalidation de son permis (par ex. : perte du dernier point…), son licenciement est plus difficile à motiver.
Si une faute peut être caractérisée à son encontre, l’employeur ne pourra généralement pas fonder le licenciement sur une faute grave mais seulement sur une faute simple.
Dans un tel cas, l’employeur aura d’ailleurs intérêt à ne pas invoquer un motif disciplinaire mais plutôt le trouble objectif lié à la perte du permis de conduire, correspondant à une cause réelle et sérieuse de licenciement (cf § 2).
La perte du permis liée à un fait de la vie personnelle
Cette situation, plus délicate, se rencontre lorsque le salarié a fait l’objet d’un retrait ou d’une suspension du permis de conduire en dehors de l’exécution du contrat de travail.
Par hypothèse, le salarié n’a commis aucune faute vis-à-vis de son employeur, de sorte que son licenciement ne peut pas être fondé sur un motif disciplinaire.
Comme le juge la Cour de cassation, l’infraction commise par le salarié dans le cadre de sa vie privée entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne constitue pas un manquement au contrat de travail et ce même si ses fonctions impliquent la conduite d’un véhicule (Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-16878).
À titre d’exemple, n’est pas justifié le licenciement pour faute grave d’un chauffeur-livreur dont le permis de conduire a été suspendu pour conduite en état d’ivresse en dehors du temps de travail, dans la mesure où ce fait relevait de sa vie personnelle et ne pouvait constituer une faute (Cass. soc., 26 septembre 2001, n° 99-43636).
Cette solution a été réaffirmée postérieurement et la jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur la question (Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-40150).
Par exception, une faute pourrait être reprochée au salarié si le contrat de travail prévoit qu’il doit informer l’employeur de la suspension ou du retrait de son permis de conduire et qu’il a délibérément caché cette information à l’employeur.
Si le motif disciplinaire ne peut pas être invoqué lorsque la perte du permis de conduire est liée à la vie personnelle du salarié, l’employeur n’est cependant pas démuni de tout pouvoir de licencier.
En effet, une cause réelle et sérieuse de licenciement peut être invoquée à l’encontre du salarié si son travail implique la conduite d’un véhicule.
À titre d’exemple, est justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse d’un inspecteur commercial chargé du démarchage et du suivi de la clientèle de l’employeur ayant fait l’objet du retrait administratif de son permis de conduire à la suite d’un contrôle d’alcoolémie positif (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 95-44274).
De même, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement la suspension du permis de conduire, pour une durée de 6 mois, du salarié engagé en qualité d’agent service commercial (Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-41598).
Le licenciement pour cause réelle et sérieuse implique le versement de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis. Le plus souvent, le salarié est dispensé de l’exécution du préavis puisqu’il n’est plus en mesure de remplir ses fonctions.
Il convient de préciser que le licenciement n’est justifié, dans un tel cas, que si la conduite de véhicules est indissociable des fonctions du salarié.
Ainsi, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un conducteur de travaux dès lors que ce poste n’implique pas la nécessité d’avoir un permis de conduire valide (Cass. soc., 18 janvier 2012, n° 10-30677).
En conclusion, signalons que certaines conventions collectives instaurent des procédures spécifiques applicables lorsque le salarié a perdu son permis, afin d’éviter son licenciement.
À titre d’exemple, un accord du 13 novembre 1992 annexé à la convention collective du transport routier prévoit que la suspension ou l’invalidation du permis de conduire n’entraîne pas le licenciement automatique du conducteur. Dans un tel cas, une concertation doit s’engager entre les parties pour éviter le licenciement (par ex. : prise des congés payés ou suivi d’une formation pendant la période de suspension du permis).