La liberté de circulation des Représentants du Personnel s’applique-t-elle sans restriction à tous les locaux de l’entreprise ?
Par Service Juridique CFDT
Pour mener à bien leur mission, les représentants du personnel sont libres de se déplacer dans l’entreprise, doivent pouvoir prendre tous contacts nécessaires, même auprès d’un salarié à son poste de travail, et avoir accès à tous les services, sans que l’employeur ne puisse restreindre cette liberté.
Toutefois, ils ont libre accès aux zones « confidentielles » dans le cadre des procédures d’accès applicables aux salariés autorisés.
Les représentants du personnel ont accès aux locaux de l’entreprise lorsque des salariés y sont affectés ou sont susceptibles de s’y trouver, pour mener à bien leur mission.
La liberté de circulation ayant pour finalité l’exercice du mandat, seuls les locaux dans lesquels les représentants du personnel sont à même d’exercer leur mandat leur sont accessibles.
La liberté de circulation s’étend :
– à l’ensemble de l’entreprise pour un membre du comité d’entreprise, à l’ensemble de l’établissement pour un membre du comité d’établissement (et éventuellement au siège si l’exercice du mandat le requiert) et à tous les établissements pour un membre du comité central d’entreprise ;
– à l’ensemble de l’entreprise pour un délégué syndical, de l’établissement pour un délégué d’établissement, ou à l’ensemble des établissements pour un délégué central ;
– au périmètre dans lequel leur élection a été organisée pour les délégués du personnel ;
– au cadre de l’élection pour les membres du CHSCT, des périmètres particuliers pouvant être définis en cas de pluralité de CHSCT.
La liberté de déplacement des RP peut être restreinte par des impératifs de santé/sécurité
Il convient de concilier la sécurité de l’entreprise et la liberté de circulation des représentants du personnel.
Il est bon de rappeler que la liberté de déplacement des membres du comité d’entreprise est d’ordre public. Par conséquent, elle ne peut être ni supprimée ni restreinte par un accord collectif ou une décision unilatérale de l’employeur, lequel ne peut qu’aménager les conditions d’exercice du droit sans y faire obstacle (Cass. crim., 4 févr. 1986, no 84-95.402).
Tenu de respecter la liberté de circulation des représentants du personnel, la mise en place par l’employeur d’un système de contrôle d’accès, sans créer de restriction à leur liberté d’aller et venir, doit être justifiée par des impératifs de sécurité et de bonne marche de l’entreprise.
Pour cette raison, le système doit avoir fait l’objet d’une consultation du CE (C. trav., art. L. 2323-32, al. 3), d’une déclaration préalable auprès de la Cnil (L. 6 janv. 1978, art. 22) et d’une information des salariés (C. trav., art. L. 1222-4).
S’il est jugé que ce système n’est pas justifié par des impératifs de sécurité et n’est pas proportionné au but recherché, il y aura atteinte à la liberté de circulation des élus du CE et trouble manifestement illicite apporté à la liberté syndicale.
Ainsi jugé pour un accès aux locaux exigeant de se passer sous un portique électronique, présenter un badge et subir éventuellement une fouille, sans que de telles mesures soient justifiées par des impératifs de sécurité et proportionnées au but recherché (Cass. soc. 26 sept. 2007, n° 06-13.810).
Toutefois, si une partie de l’entreprise est interdite au personnel pour des raisons de sécurité, la liberté de déplacement peut ne pas jouer (Cass. soc., 19 janv. 2010, n° 08-45.092 : cas du toit d’un bâtiment auquel l’accès n’était pas autorisé).
Les RP peuvent ne pas pouvoir accéder « aux zones à caractère hautement confidentiel »
Le principe de la libre circulation des représentants du personnel n’interdit pas à l’employeur, responsable de la sécurité et de la bonne marche de l’entreprise, d’exiger de ceux qui y circulent la justification de leur qualité. Les modalités de ce contrôle doivent être déterminées après consultation des intéressés.
La Cour de cassation a ainsi récemment jugé que le principe de liberté de circulation des représentants du personnel est respecté lorsque la réglementation de l’accès aux zones confidentielles de l’entreprise vise à permettre de s’assurer de l’appartenance du salarié à l’établissement et de son statut de représentant du personnel préalablement à l’accès à ces zones, et que la direction du secteur concerné ne dispose d’aucun droit de regard sur l’opportunité de la demande d’accès mais doit faire droit à celle-ci après avoir procédé aux vérifications prévues (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-16.151).
Dans cette affaire, une société de construction d’automobiles avait conclu un accord sur l’exercice du droit syndical stipulant que « Les salariés mandatés se déplacent librement au sein ou hors de l’établissement durant les heures de délégation, sous réserve de pouvoir justifier de leur appartenance à l’entreprise, et de leur statut de représentant du personnel ».
Postérieurement à la conclusion de cet accord, l’employeur a défini une procédure d’accès des représentants du personnel aux zones confidentielles situées à l’intérieur du centre de recherches et d’études.
Le comité d’établissement, un syndicat et des délégués du personnel ont alors saisi le tribunal de grande instance pour qu’il soit jugé que la procédure mise en place portait atteinte à la libre circulation des représentants du personnel, et qu’il soit enjoint à l’employeur, sous astreinte, de délivrer à tous les salariés mandatés des badges les habilitant à accéder sans restriction aux zones confidentielles.
La cour d’appel a constaté que la procédure applicable pour accéder aux zones confidentielles avait pour seul objet de s’assurer de l’appartenance du salarié à l’établissement et de son statut de représentant du personnel préalablement à l’accès à ces zones, le responsable de celles-ci ne disposant d’aucun droit de regard sur l’opportunité de la demande d’accès, et devait faire droit à celle-ci après avoir procédé aux vérifications prévues.
Elle a ensuite énoncé que l’accord d’entreprise relatif au droit syndical ne prévoyait pas l’attribution aux représentants du personnel d’un badge leur donnant accès aux zones en cause, au même titre que les salariés y travaillant. La cour d’appel en a déduit que la procédure contestée, justifiée au regard du caractère hautement confidentiel de ces zones, ne méconnaissait ni les exigences découlant de la liberté de circulation reconnue aux représentants du personnel à l’intérieur de l’entreprise ni les exigences résultant de l’accord d’entreprise.
Elle a donc rejeté les demandes des représentants du personnel (CA Versailles, 6ème ch., 15 janv. 2013, n° 12/01759) et a été suivie par la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi.
Cette position peut être critiquable en ce qu’elle limite de manière significative l’accès direct des représentants du personnel à l’ensemble des locaux de l’entreprise. Un aménagement pour des raisons d’hygiène et de sécurité aurait pu apparaitre plus adapté.
En tout état de cause, le débat va désormais porter sur ce qu’il faut entendre par « zones à caractère hautement confidentiel ».
Cass. soc., 9 juill. 2014, no 13-16.151, D