Ah, le doux parfum du positive thinking en entreprise ! Cette croyance moderne selon laquelle tout problème est soluble dans un sourire PowerPoint et une réunion « d’alignement stratégique ».
Il paraît qu’il faut être optimiste. Croire en l’avenir, en la croissance, en la « synergie des talents ».
Mais attention : il ne faut pas confondre optimisme et optimisation. Le premier fait du bien à l’âme, le second surtout au tableau Excel.
Optimisme : croire que tout ira bien.
Optimisation : croire qu’il y aura encore quelqu’un pour le faire.
C’est une nuance subtile, que le Headcount Committee, ce tribunal invisible des équilibres budgétaires, semble avoir joyeusement effacée. Là où l’optimiste voit un projet, l’optimisateur voit un FTE. Trois lettres magiques qui transforment un humain en unité comptable : Full-Time Equivalent. Une sorte de Pokémon RH dont la rareté dépend du budget.
L’optimisme, c’est dire : « Nous allons bâtir un avenir meilleur ensemble. »
L’optimisation, c’est dire : « Nous allons le faire… mais avec 30 % de ressources en moins et le même sourire. »
Et puis il y a ces réunions où l’on célèbre les équipes :
« Bravo pour votre engagement, votre adaptabilité et votre résilience ! »
Traduction : « Merci d’avoir fait le travail de trois personnes sans oser demander une prime. »
L’optimisme, c’est croire que tout le monde y trouve son compte.
L’optimisation, c’est vérifier que tout le monde y laisse un peu du sien.
Pendant ce temps, le Headcount Committee, tel un Sénat des temps modernes, tient conseil. Ses membres, armés de ratios et de benchmarks, tranchent le destin de postes entiers à coups de clics discrets. On n’y parle pas de personnes, mais de headcount. Certains diraient « à couper », mais ce serait excessif (et surtout juridiquement risqué).
Les optimistes croient encore au collectif, aux valeurs, à l’humain.
Les optimiseurs croient au lean management, à la cost efficiency et à l’open space à 36 décibels.
Chacun sa foi.
Mais au fond, tout le monde est d’accord : il faut garder le moral.
Car rien n’est plus mal vu qu’un salarié qui ose dire que l’optimisme ne paie pas les factures.
Alors, on continue. On affiche des citations inspirantes dans les couloirs, on parle de care en comité de direction, on vote des plans d’économie « humains et responsables ».
Et quand un collaborateur finit par craquer, on lui envoie un mail bienveillant :
« Courage, nous sommes tous ensemble dans cette aventure. »
Oui. Tous ensemble. Mais pas dans la même colonne du budget.
