Le Parisien, le 14 mai 2015
Trois anciens salariés du comité d’entreprise d’Euro Disney seront jugés en correctionnelle. Ils sont soupçonnés d’avoir organisé, en quatre ans, le détournement de près d’un demi-million d’euros.
Accablant. Dans un document de 25 pages que nous avons pu consulter, un juge d’instruction demande le renvoi en correctionnelle de trois anciens salariés du comité d’entreprises (CE) d’EuroDisney, société exploitante du parc d’attractions Disneyland Paris, basé à Chessy (Seine-et-Marne).
En quatre ans, près d’un demi-million d’euros a disparu des caisses du CE, l’organisme chargé des œuvres sociales des employés du site, notamment en distribuant des chèques cadeaux et des billets à prix réduits (lire notre encadré).
Selon le magistrat, Amadou N’Diaye, ex-secrétaire général CGT du CE, « apparaît incontestablement comme l’instigateur et le principal bénéficiaire » de ces détournements, opérés avec la complicité de Raymond Myon et Houda Gaabour, anciens coordinateurs. Tous les trois sont mis en examen depuis 2010.
Entre 2006, année où Amadou N’Diaye a été élu à la tête de cet organisme, et 2009, « les investigations ont mis en évidence des pertes sur la billetterie du comité d’entreprise de l’ordre de 413 000 €, le montant des espèces non déposées en banque se chiffrant à 99 000 € pour la seule année 2009 ».
Or, plusieurs témoignages pointent l’ex-patron du CE comme le seul à pouvoir détourner cet argent. Ainsi, des caissières racontent que, chaque soir, elles devaient remettre leurs fonds de caisse à Amadou N’Diaye. Parallèlement, Raymond Myon avait pour mission de modifier les recettes dans le logiciel comptable, qu’il était le seul à maîtriser. Et selon un expert-comptable prestataire du CE, Amadou N’Diaye s’était opposé à l’évolution du système de traçabilité des mouvements de caisse.
Qu’est devenu cet argent ? Le juge d’instruction note des mouvements conséquents sur les comptes personnels d’Amadou N’Diaye, crédités de 284 428 € entre 2006 et 2011, dont 35 000 € en numéraire. Ce qui ne colle pas avec les 570 € mensuels déclarés par l’homme lors de ses auditions !
Par ailleurs, lors des perquisitions chez l’ex-secrétaire général CGT du CE, les policiers ont trouvé une enveloppe contenant 366,80 €, avec la mention « Caisse Steph (NDLR : l’une des caissières du CE) », ainsi que cinquante chèques cadeau. D’autre part, quinze mandats cash ont été envoyés au Sénégal, son pays d’origine, pour une somme totale de plus de 66 000 €.
Autre témoignage troublant : lorsque les soupçons de malversations sont apparus, dès 2009, Houda Gaabour aurait « fait le ménage » dans le bureau d’Amadou N’Diaye alors qu’il séjournait au Sénégal.
La société exploitante des parcs d’attractions, hôtels, restaurants et boutiques, octroie au comité d’entreprise 0,2 % de sa masse salariale pour le budget de fonctionnement. (DR)
De son côté, Me Cyril Gosset, avocat d’Amadou N’Diaye, estime que cette instruction a été menée à charge. « Il y a eu des dysfonctionnements au sein du CE, c’est une évidence, reconnaît-il. Mais à aucun moment ils n’ont bénéficié à mon client. »
Sur les mouvements importants apparus sur le compte de celui-ci, Cyril Gosset explique qu’il s’agit de « crédits renouvelables » souscrits par son client « en situation de surendettement ». Et d’attaquer à son tour, assurant que « les dysfonctionnements au CE datent de 2002, alors qu’Amadou N’Diaye n’était pas en poste ! »
Selon lui, le cerveau de ces détournements n’est pas celui qu’on croit : « Raymond Myon a acheté plusieurs biens immobiliers, les revendant peu après en faisant une importante plus-value (NDLR : cinq logements entre 2 004 et 2 010), poursuit l’avocat. Comment a-t-il pu payer ? »
Quant à la direction d’EuroDisney, elle « ne commente pas une procédure qui n’est pour l’instant pas achevée », eu égard à la présomption d’innocence dont bénéficie notamment Amadou N’Diaye, toujours employé dans un hôtel du parc.
Reste que certains s’interrogent : comment EuroDisney n’a pas pu se rendre compte de malversations qui durent depuis 2006 ? Un porte-parole répond : « Le comité d’entreprise est un organe indépendant. Dès que des soupçons ont été soulevés, l’entreprise et le président du CE ont demandé plusieurs audits indépendants des comptes couvrant la période de 2002 à 2010. Cette affaire est toujours en cours et l’entreprise s’est portée partie civile ».